Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
LE REPORTAGE « D’HONNEUR »

médecins, les témoins sont rarement d’accord. Il y a le témoin tant pis et le témoin tant mieux.

Le témoin tant mieux appartient à la vieille école. Il préconise les cataplasmes, les dulcifiants, étiquetés sur les bocaux pharmaceutiques du duel : regrets, malentendus et autres ingrédients « qui ne sauraient entacher l’honneur ». Le témoin tant pis est tout de suite pour les plus graves opérations. Il ne songe qu’à couper et tailler. Il a une âme de chirurgien. Les diagnostics les plus contradictoires sont émis autour de la blessure et, comme la maladie de l’honneur est contagieuse, il arrive que les témoins eux-mêmes rattrapent. Il n’y a pas de raison pour que ça finisse.

Car les journalistes s’en mêlent, et, plus que tous autres, ils sont susceptibles d’attraper une affaire d’honneur. D’où des complications nouvelles. Je vous dis que c’est la chose la plus encombrante qui soit. Ceux qui n’ont jamais vu le mal de près, et qui, de par leur état ou la place qu’ils occupent dans la société, n’ont point eu à en redouter les atteintes, ne sauront jamais tous les tracas qu’elle donne. Ces derniers, quand ils ont une querelle, s’en tirent avec quelques horions administrés avec précision ou reçus avec courage ; ils sont enviables. Mais plaignez les autres : gendumonde, gendelettres et gend’honneur ! Ils ne peuvent prouver à un monsieur le peu de sympathie qu’ils ont pour sa personne, sans suspendre le cours de leurs affaires, déran-