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SUR MON CHEMIN

qui ne compromet point son homme. « Oui, lui fit Déroulède ! Avec la République parlementaire, n’est-ce pas ? » M. Godefroy n’eut pas le temps de répondre. Un garde républicain l’avait entraîné. Il était déjà libre.

Quand les condamnés eurent fait entendre leur dernière parole, ils se levèrent pour permettre à la Cour de délibérer en leur absence sur l’application de la peine.

Ils ne devaient plus revenir. Lecture devait leur être faite de l’arrêt définitif dans leurs cellules.

M. Déroulède se tourna alors vers le président :

— Monsieur, lui dit-il, un dernier mot. C’est ici que, pour la première fois, j’ai pu apprécier la valeur et le courage de mes co-accusés, et je suis heureux de les en féliciter et de leur serrer publiquement la main.

Déroulède n’avait pas terminé sa phrase que MM. Buffet et Guérin lui étreignaient déjà les poings avec une émotion qui gagna toute la salle. C’était la dernière vision que nous devions emporter de la Haute-Cour, celle de ces trois hommes que nous ne reverrons peut-être plus jamais, étroitement unis, avant le départ pour l’exil ou le cachot.

— Le voilà, le complot ! s’est écrié Buffet.

Et Guérin ajouta, avant de disparaître :

— Et c’est la première fois que nous sommes d’accord !

Guérin n’est jamais ému bien longtemps.