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AVOCATS POLITIQUES

apprises par cœur, et luttent avec acharnement contre le trac qui les envahit.

C’est pendant les suspensions d’audience qu’ils sont beaux à voir. Ils restent les derniers dans la salle, vont tâter la petite tribune improvisée qu’on leur a placée là, se dirigent vers la barre des témoins. Ils font des exercices le long de cette barre ; ils s’y appuient de dos et de ventre, se tournent, se retournent, s’y accoudent, y glissent la main. On s’attend presque à ce qu’ils y mettent le pied, telles les danseuses au foyer de l’Opéra.

Est-ce que ce procès ne méritait point mieux que cela ? Des têtes chenues, des vieux du vieux barreau sont venus et s’en sont retournés très tristes. Je les avais entendus dire que tout dégénérait, et se rappeler des noms et des histoires qui sont maintenant de l’Histoire. Ils n’allaient pourtant pas les chercher bien loin.

Ils devisaient de Me Carraby dans les procès de presse, en 1870, plaidant devant la Haute Cour de Blois dans l’affaire des blouses blanches ; défendant, en 1871, Jourde, membre de la Commune, délégué aux finances. Ils parlaient de Lachaud, de Lenté faisant pleurer tout un auditoire, dans un procès qui était davantage celui du président de la République que celui de son gendre.

— Où donc est Allou ? disaient-ils, défendant Proudhon, de Girardin et Gambetta, faisant l’apologie des 363 : « C’est grand dommage et grand pitié quand les conservateurs font œuvre de révolutionnaires ! »