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SUR MON CHEMIN

la musique, en oubliant qu’il existait un problème social et que nul ne l’avait résolu.

Mais, quel qu’ait été leur « genre », tous se sont rencontrés sur le terrain de la gouaillerie. Je les ais vus aux prises avec des présidents habiles, faibles ou dominateurs, spirituels ou prudhommesques. Il arrivait toujours un moment où ils en avaient raison. Il suffisait d’un mot, d’une réplique. Tout le monde se taisait ; une stupeur immense gagnait la salle. Ils plaisantaient avec la mort. Et, de les voir à ce point cyniques, la foule disait : « Ils ont la folie de l’échafaud ! »

Ravachol se piquait de logique. Quand M. le président Gués, qui dirigea les débats de cette affaire avec un grand courage — car, au lendemain de l’explosion Véry, ce n’était pas une sinécure que de juger Ravachol — quand le président avait le malheur de poser une question un peu… trop simple l’anarchiste, ne le « ratait » pas.

On sait qu’il fit sauter la maison qu’habitait M. le président Benoît. Aussitôt la bombe déposée, l’anarchiste fila, naturellement.

— Pourquoi quittez-vous précipitamment la maison ? lui demanda M. Gués, qui veut ainsi faire douter du courage de Ravachol.

— Dame ! pour qu’elle ne me tombe pas dessus.

— Vous portiez un chapeau haut de forme quand vous avez déposé la bombe. Pourquoi portiez-vous un chapeau haut de forme ?