Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
SUR MON CHEMIN

effets oratoires, il y a les précautions préliminaires, les amabilités, les gentillesses d’avant l’audience, auxquelles nos bons jurés ne résistent pas. Si vous êtes un jour sur la liste du jury et si, n’étant point « tombé au sort», vous assistez à l’audience en curieux, dans la partie de la salle qui vous est réservée, je ne saurais trop vous engager à vous méfier de l’avocat à la cour, qui s’en viendra vers vous, souriant et la langue sucrée. Il fera de vous son ami, vous proposera de faire entrer à l’audience votre femme, vos enfants et votre concierge. Vous accepterez. Ce sera tant pis. Car, trois jours plus tard, il vous apparaîtra dans toute la solennité de ses fonctions. Il ne vous aura point récusé et vous serez dans la nécessité de rendre à la spécialité de son vagabondage et à ses attaques nocturnes, l’affreux voyou dont il est « l’honorable défenseur ».

À l’audience, si l’on vous estime juré important, on sera aux petits soins pour vous. Vous n’aurez pas à craindre les courants d’air, et l’on vous évitera les coups de soleil. Dans une affaire célèbre, Me Démangé fit baisser ainsi un store, et ce store baissé lui donna la majorité. Me Lachaud avait fait fermer une fenêtre.

Enfin, c’est une chose coutumière maintenant, que la visite au juré. On va lui recommander son assassin, comme les bons pères de famille, chez le professeur influent, vont recommander le futur bachelier. Les affaires qui durent plusieurs jours valent à nos jurés de véritables processions. Ils