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NOS BONS JURÉS

Pour atteindre ce résultat, il suffit qu’on nous trompe. Or, on nous trompe tout le temps. Le président, l’avocat général, le défenseur s’y emploient de façon merveilleuse et il n’est point jusqu’à l’accusé qui ne fasse son possible pour nous « mettre dedans ».

Il y réussit, du reste, neuf fois sur dix, et il y a des larmes auxquelles nous ne résistons point. Va-t-on nous faire un crime d’une sensibilité naturelle qu’un long séjour dans le prétoire n’a pas encore émoussée ? Il en est de même pour le système des dénégations. Le manque d’habitude, l’absence ordinaire de fréquentation avec les pires bandits ne nous permet point de démêler sûrement le mensonge de la vérité, et il est vrai que nous n’osons frapper celui qui nie. Ainsi, par exemple, voici Sautton, ce misérable qui a mérité au moins dix fois la mort, le ravisseur (!) et l’assassin de la petite Gabrielle. Nous nous disions que son affaire était réglée. Quand la mère s’est avancée à la barre, si douloureuse et si tragique, nous sommes tous partis à pleurer (sauf le respect que nous devons à la justice) comme des génisses. Il n’empêche que nous lui avons sauvé la tête ! Pourquoi ? Parce qu’il a nié à l’audience. Oui, je sais, il avait avoué à M. Cochefert. Mais M. Cochefert avait peut-être mal entendu.

Que si vous nous demandez pourquoi, n’étant point certains de la culpabilité, puisqu’il niait, nous l’avons condamné quand même aux travaux forcés à perpétuité, nous vous répondrons que