Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
NOS BONS JUGES

firent d’abord la réputation d’un ex-président de la 9e et qui tirent ensuite son malheur. Celui-là vous laisse dire. Vous pouvez raconter tout ce que vous voudrez et aussi longtemps qu’il vous plaira. Ça lui est bien égal. Votre adversaire peut être aussi prolixe que vous. Il ne couperait point la parole, même à Me Oudard. Il juge ; son jugement vous donnera à la fois tort et raison, et il renverra dos à dos le plaignant et la demande reconventionnelle, chacun avec 2,000 francs de dommages-intérêts à payer à l’autre. Ce magistrat a le tempérament normand. Allez-vous lui en vouloir, s’il est né à Falaise ?

Voici le magistrat naïf, qui arrive de province ou qui paraît toujours en arriver. Il ne connaît rien aux mœurs de la Babylone moderne, et s’en étonne tout le temps. Il demande des explications nécessaires et s’offusque. Il ne comprend pas l’argot. Même l’argot le plus clair, le plus connu, et qui se parle dans le meilleur monde. Un jour, une dame avait porté plainte contre sa concierge qui l’avait appelée « fourneau ». Notre juge n’en revenait point et on eut toutes les peines de la terre à lui faire entendre qu’il y avait là une injure. Quand il en fut bien sûr, il condamna ferme, en disant : « Ce Paris, tout de même ! » Pour passer devant lui, attendre qu’il soit un peu revenu de ses étonnements.

Celui-là, c’est le muet ; il somnole, il dort. Quand ses yeux sont grands ouverts, il donne encore cette impression qu’il dort. À côté de lui,