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SUR MON CHEMIN

l’ombre de la rue du Caire et de la tour Eiffel.

À la nuit noire, nous étions à Tunis. La ville s’illumina de lanternes et de feux de Bengale. Mais que fut cette lumière de foire à côté de la fête que nous donna le soleil le lendemain matin ? Ce fut d’abord sur la place de la Résidence. Le ministre de la marine, entouré des généraux et des états majors, assista, sous les palmiers, à la rentrée des troupes, qui venaient des manœuvres.

Elles défilèrent avec une élasticité sans égale ; la musique endiablée du 4e zouaves leur jetait l’air de Sambre-et-Meuse en même temps qu’une énergie nouvelle ; et nous vîmes ainsi passer, comme s’ils étaient déjà lancés vers quelque assaut farouche, ces têtes de démons. Des indigènes drapés à l’antique, des Arabes beaux comme des dieux d’Éthiopie regardaient couler sous eux le flot des régiments entre la double rive des palmes. Nos soldats avaient dans les jambes les fatigues des manœuvres et 20 kilomètres accomplis le matin même, sous le soleil torride. Ils étaient couverts de poussière, et la sueur coulait des fronts sales. Riants et superbes, les yeux de flamme, le col dégagé, nos turcos et nos zouaves défilèrent. Puis ce furent les « bat’ d’Af » les zéphyrs, au son de la Marche du père Dugeaud.

Nous suivîmes le cortège officiel, qui, dans les landaus, parcourut les rues et fit son entrée dans la kasba. M. Lockroy et le résident, M. Millet, allaient rendre visite au bey. Des juives grasses et molles, tout habillées de blanc et coiffées de