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À TRAVERS LA CORSE


Nous arrivâmes en vue de la Corse le matin, par un petit jour livide qui, peu à peu, nous laissa découvrir l’île comme une terre de tristesse, d’abandon et de silence. La nuit se dissipant tout à fait, nous pûmes voir le rocher désolé de Calvi, qu’un âne, désespérément, léchait. Quelques bâtisses jaunies s’étageaient aux flancs des monts, et, sur le quai, une estrade surgit de l’ombre, entourée d’une centaine d’indigènes qui semblaient ne s’être point couchés et nous avoir attendus depuis une éternité.

Un silence mortel régnait sur toutes ces choses qu’aucun bruit de poudre, qu’aucune salutation d’artillerie ne vint troubler. Les flots eux-mêmes se taisaient. La rade apparaissait comme un lac aux eaux grises, stagnantes et malfaisantes.

Sur ces eaux, la barque du ministre sournoisement glissa. Alors, quand il eut débarqué, une pauvre petite Marseillaise alla troubler l’âne, qui,