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LE CHÂTEAU NOIR

— C’est bien cela, monsieur, kismet !…[1].

Et il les poussa devant lui.

Mais un grand diable d’Albanais, appuyé sur son fusil, leur barra le passage et leur adressa quelques mots impératifs dans un jargon que personne excepté Priski ne pouvait comprendre.

« Messieurs, fit Priski, j’avais oublié de vous présenter cet excellent homme qui est le concierge du donjon. Il couche dans cette petite guérite à seule fin que si vous aviez besoin de quelque chose, la nuit, vous ayez quelqu’un sous la main. Pour le moment il vous demande de lui montrer le fond de vos poches et de déposer dans sa guérite vos armes, si par hasard vous en aviez. C’est le règlement. Il est défendu de se promener armé dans le château. »

À ce dernier énoncé du règlement, Rouletabille, en face de toutes les armes qui se promenaient à toutes les ceintures dans cette redoutable bâille, ne put s’empêcher de sourire ; cependant il ne fit aucune difficulté pour « retourner ses poches » et donner son revolver, un gentil petit browning auquel il tenait beaucoup. Les deux autres firent de même.

« Ces armes ne sont pas perdues ! fit Priski. On vous les rendra en partant. Demain matin, le kiaiah, notre intendant, viendra également chez vous, faire l’inventaire de vos bagages et vous débarrasser de tout cet encombrant matériel de guerre que les voyageurs ont coutume de traîner toujours avec eux dans ce pays. La chose serait déjà faite si notre kiaiah n’était très occupé ce soir. En tout cas, messieurs, je vous conseille de ne point conserver une arme sur vous ; il y va de la peine de mort !

— Non ! s’écria La Candeur. Puis-je au moins conserver ceci ? »

Et il sortit une sorte de petit canif, agrémenté de tout

  1. « C’était écrit ! »