Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 1.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
LE CHÂTEAU NOIR

les arrêta une seconde dans l’escalier pour monter à l’étage supérieur.

On n’avait toujours pas revu Athanase Khetew ; mais, selon son habitude, Rouletabille laissait faire au Bulgare ce qu’il voulait, ne s’occupant jamais de lui. De son côté, Athanase n’avait aucune sympathie pour le reporter qui, plus d’une fois, devant lui, avait eu le tort de ne pas assez cacher l’intérêt personnel qu’il portait à Ivana.

« Je vais voir, avait dit Priski, ce que devient ma famille allemande. »

Il disparut une minute et redescendit.

« Rien à faire ! soupira-t-il. Ils sont enragés ! J’ai frappé à la porte : ils ne m’ont même pas ouvert et ils ont répondu à toutes mes questions en entonnant le Deutschland über alles ! »

À ce moment, comme les jeunes gens débouchaient à nouveau dans la bâille, le bruit d’une cloche se fit entendre.

« La cloche du dîner ? interrogea Rouletabille.

— Non, monsieur, c’est la cloche du pont-levis. Ce sont nos gens qui rentrent… »

En effet, Rouletabille et ses compagnons assistèrent presque aussitôt à l’invasion de la bâille par une troupe invraisemblable de bandits boueux et ruisselants qui se jetaient au bas de leurs bêtes avec des jurons forcenés où Allah trouvait son compte comme tous les autres dieux de la création.

« Messieurs, si vous n’aviez pas été surpris par la tempête, émit l’aimable Priski qui ne laissait jamais tomber la conversation, ou si vous aviez pu échapper à l’ouragan, croyez-vous que vous auriez échappé à ces gens-là ?

— Qu’est-ce donc que ces gens-là

— Monsieur, ce sont nos zaptiés (gendarmes) qui sont chargés de la sûreté de nos routes.

— Décidément, déclara le reporter, il était écrit que nous devions faire connaissance ce soir !