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LE CHÂTEAU NOIR

des environs, pour ne point juger sa propre aventure trop exceptionnelle. La montagne musulmane, où qu’elle se trouve, est toujours restée très féodale et le brigand avec lequel on a affaire est souvent un merveilleux seigneur, féroce quand il le juge nécessaire, mais très aimable homme si on ne le contrarie pas.

Nos voyageurs se trouvaient sous une nouvelle voûte creusée dans le mur de ronde qui isolait tout à fait le donjon du reste du château. Ce mur, appelé en terme d’architecture du moyen âge, chemise « chemise du donjon », clôturait une bande de cour circulaire au centre de laquelle se dressait le donjon lui-même. Au deuxième étage de l’énorme tour, une lumière brillait à une fenêtre.

« C’est la famille allemande, dit Priski, en montrant du doigt la vitre éclairée. Ils doivent être en train de diner ; ils ont refusé d’aller diner avec Kara-Selim ; ils ont eu tort. Il y a gala ce soir. J’espère que ces messieurs ne feront pas comme les Allemands… Ces messieurs aussi sont invités !…

— Nous acceptons ! dit Rouletabille.

— En ce cas, je conseillerai à ces messieurs de ne plus perdre une minute. Ces messieurs n’ont que le temps de s’habiller ! »

Et il traversa la cour en hâte, toujours en protégeant Rouletabille de son parapluie rouge.

Les murs du donjon plongeaient dans un fossé ; un pont était jeté sur ce fossé, que Rouletabille, La Candeur et Vladimir traversèrent cependant qu’Athanase restait, comme les autres domestiques, à soigner les bêtes dans la courette, où il trouvait de quoi loger tous les impedimenta sous un hangar adossé à la « chemise ».

Le majordome avait refermé son parapluie. Parvenu dans la salle des gardes, il avait craqué une allumette et allumé trois bougies, prises, comme il disait, « au bureau de l’hôtel ».

Cette salle des gardes, avec ses piliers trapus, ses voûtes gothiques, son âtre prodigieux, n’aurait point manqué de