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LE CHÂTEAU NOIR

tes de fer » de l’Orient à un mélange des plus savoureux de barbarie et de civilisation, Rouletabille ne put s’empêcher de sourire au parapluie rouge tenu si honnêtement par ce laquais en livrée qui bousculait d’authentiques bandits aux fins qu’il arrivât, sans être trop mouillé, à l’hôtel des Étrangers qui était le donjon !…

On les y conduisait tous à l’hôtel des Étrangers ! tous, bêtes et gens, toute la caravane…

« Vous verrez, monsieur, disait Priski, vous y serez comme chez vous… Si vous avez besoin de quelque chose, vous n’aurez qu’à me demander. Et puis, vous y serez à peu près tout seuls. Nous n’avons, pour le moment, qu’une honorable famille allemande de Hambourg… le père, la mère, les deux filles et le petit garçon, âgé de onze ans… Nous devons les garder encore huit jours, mais ils ne font pas de bruit… ajouta Priski, s’arrêtant devant une poterne et en tirant de son énorme poche un énorme trousseau de clefs.

— Ah ! ah ! dit Rouletabille, en affectant de plaisanter, je crois que nous voici arrivés à notre prison ?… » La Candeur sursauta. Il n’aimait pas beaucoup ces plaisanteries-là.

« Votre prison ?… Ce n’est pas une prison… Vous pouvez entrer et sortir quand vous voulez du donjon et vous avez le droit de vous promener dans toutes les cours du château et dans le château, excepté, bien entendu, dans le selamlik de Kara-Selim et dans le harem, n’est-ce pas ?

— Et hors du château ? demanda La Candeur.

— Hors du château, répliqua Priski en riant, il faut une permission !

— Bien ! Bien ! fit Rouletabille… compris !… Nous voilà logés à la même enseigne que la famille allemande…

— Eh bien, voulez-vous que je vous donne un bon conseil ? leur souffla Priski… Ne faites pas comme la famille allemande, ça lui portera malheur… Voyez-vous… il vaut mieux se faire une raison… accepter le coup du sort, être raisonnable quant à la note à payer et ne point