Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 1.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
LE CHÂTEAU NOIR

— Il vous échappera ! reprit l’obstiné reporter, et nous ne saurons pas où il est ! Si vous le traquez, il restera caché pendant des semaines, guettant un moment plus propice pour franchir la frontière ! Laissez-le retourner à la Karakoulé, général ! »

Mais le général secouait la tête.

Il dit encore au maître de police : « Je vous transmets l’ordre de Sa Majesté d’avoir à arrêter Gaulow dans les vingt-quatre heures. »

Et il ajouta : « Monsieur (il montrait Athanase) ira tout à l’heure chez vous pour vous rendre compte en détail de son expédition de ce matin. »

Le grand-maître de la police salua et se retira, en se disant : « Je suis fichu ! »

Mais Rouletabille, lui, voyant que le Khetew ne bougeait point, ne sortit pas !

Comme il restait là, le général voulut bien s’amuser un peu de son obstination et, le poussant tout doucement vers la porte, il lui dit :

« Votre projet, mon petit ami, part d’un bon naturel et d’une confiance en vous-même qui, je le vois bien, doit rarement vous faire défaut ; mais là où je vous trouve en défaut, moi, c’est quand vous ne soulevez pas cette hypothèse, pourtant fort plausible, que Gaulow n’ait nullement le dessein de retourner, précisément, en ce moment, à la Karakoulé ! »

Rouletabille, qui avait été ainsi reconduit presque jusqu’à la porte, se rejeta brusquement dans la salle.

« Eh ! général ! De cela je suis sûr ! Gaulow doit se trouver au Château Noir le 12 octobre !…

— Il vous y a donné rendez-vous ?

— Non point, mais à un certain individu venant de la mer Noire et qui doit débarquer à Vasiliko, un nommé Kasbeck… »

Ce fut le tour d’Athanase de bondir.

« Kasbeck, le Circassien ! l’eunuque d’Abd-ul-Hamid !… Ah ! général, s’il en est ainsi, tout s’explique…