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AU PALAIS ROYAL

soixante-dix ou quatre-vingts à l’heure n’est pas une conception à mépriser ! Et ceci n’a pas été le fait du hasard ! La charrette ou plutôt les charrettes avaient été commandées d’avance ! Soyez sûrs que des gens qui ont commencé, dans le moment le plus critique, et alors que nous étions quasi sur leur dos, à nous jouer de cette sorte, ont encore plus d’un tour dans leur sac ! Eh bien, laissez-les faire ! Et aidez-les même à arriver jusqu’à leur château, puisque nous ne pouvons les en empêcher ! Là, il faut espérer que ce sera à notre tour de rire…

— Monsieur, interrompit Athanase, j’avais l’honneur de dire tout à l’heure au général que Gaulow, dans son château, est invulnérable.

— Invulnérable pour quelqu’un qui vient le combattre, mais nullement pour moi qui me présenterai en ami ou tout au moins en « passant ». Je n’aurai point à farder la vérité. Je dirai qui je suis, ou plutôt qui nous sommes, car j’emmène avec moi mes deux reporters et nos domestiques. Il est toujours permis à des correspondants de guerre de s’égarer dans la montagne et de demander à se réfugier dans le premier château qu’ils rencontrent. Nous venons de Bulgarie, peut-être notre hôte aura-t-il la curiosité de nous demander des nouvelles de Sofia… Enfin, il n’a aucune raison pour ne point nous recevoir, il ne se méfiera pas de nous. Il ne me connaît pas ; peut-être aura-t-il le désir de faire ma connaissance. Enfin, quand nous serons dans la place, je vous jure bien que nous nous débrouillerons, que nous parviendrons à joindre Mlle Vilitchkov, en tout cas, que nous saurons où elle est et du diable si nous ne mettons point la main sur le coffret qui contient les fameux documents !

— S’il est venu ici pour voler des documents de guerre, et s’il y a réussi, il y a des chances pour qu’il ne les ait point gardés en sa possession, exprima d’une lèvre dédaigneuse Athanase, qui ne se rendait pas… Vous pensez bien qu’il n’aura pas voulu perdre une minute pour les faire parvenir et les vendre à l’état-major ottoman !