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AU PALAIS ROYAL

endroit où ce génie du mal se repose de toutes ces personnalités en redevenant Gaulow pour lui-même… un coin où il cache le fruit de ses rapines, un repaire où il va reprendre des forces !

— Oui, général, il y a un endroit comme ça ! Et cet endroit, je le connais, enfin ! Au prix de ma vie qui ne compte pas, j’ai pu m’en approcher ! Cet endroit s’appelle Kara-Koulé ! Le Château Noir !

— Et il se trouve ?

— Ici, général… à cet endroit exact sur cette carte, dans un repli inconnu de l’Istrandja, non loin du Tachtépé… C’est de là qu’il part, c’est là qu’il revient, son horrible besogne accomplie. C’est là qu’il rapportera le précieux butin de sa dernière expédition, la fille du colonel Vilitchkov, et tout ce qu’il nous a volé !… Là, il est le maître, non pas après Dieu, car il n’en reconnait aucun, ni celui des chrétiens qu’il a renié, ni celui des musulmans qu’il a publiquement adopté !… Il est le maître, tout court ! et personne au monde ne peut plus rien contre lui !… Aucun empereur n’est plus maître dans son empire ; aucun seigneur féodal n’a jamais été si puissant, plus isolé et plus redouté dans son château !… Mais, général, tant que le vautour n’aura point retrouvé son nid, tout n’est pas perdu pour nous ! Nous pouvons encore espérer le surprendre… Je vous ai fait, tout à l’heure, le récit fidèle de notre malheureuse expédition de ce matin, mais au moins nous en pouvons tirer cette conclusion que le misérable n’est pas loin… Qu’il est, en tout cas, encore chez nous, en Bulgarie ! Eh bien, qu’il n’en sorte pas !… Faites surveiller les routes, les chemins, rendez la frontière infranchissable, et nous pouvons être sauvés ! »

Le général se tourna vers le reporter et lui dit :

« Qu’est-ce que vous pensez de tout cela, vous, monsieur Rouletabille ?

— Oh ! moi, fit tranquillement le jeune homme, depuis notre petite expédition de ce matin, avec Monsieur, je pense tout le contraire de Monsieur !…