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LE CHÂTEAU NOIR

et lui avait répondu n’importe quoi, d’une façon assez vague, n’ayant pas le courage de lui ôter tout espoir.

Ceci posé, il vit plus clair dans son cœur et sur la route. Et, soudain, il découvrit les traces qu’il faisait semblant de chercher !… Elles le conduisirent hors de la chaussée. Cette fois il fit signe à Athanase de descendre et de le suivre dans un petit chemin de traverse.

Ils n’étaient pas encore très loin de la ville. Tout à coup, ils poussèrent en même temps une exclamation.

Dissimulées au milieu d’un bouquet d’arbres, il y avait là deux autos abandonnées.

Ils y coururent et y trouvèrent dans un grand désordre des vêtements qu’on avait jetés là pêle-mêle, des capotes de soldats et d’officiers, des uniformes de différents grades, maculés, et des voiles qui avaient appartenu à Ivana… des voiles tragiques, ensanglantés, sur lesquels Athanase se précipita et qu’il emporta comme des reliques.

Rouletabille avait vu le geste et avait fermé les poings, et on eût pu croire qu’il allait se jeter sur son rival… mais il se contint et continua de marcher, relevant toutes les traces qu’il rencontrait.

« Monsieur, demanda Athanase, que pensez-vous ? Puisqu’ils ont abandonné les autos, ils ne sauraient être loin.

— Oh ! il se peut très bien qu’ils ne soient pas tout près… Deux grandes charrettes les attendaient à l’endroit où nous avons trouvé les autos… deux charrettes attelées de vigoureux chevaux et ils ont pu faire du chemin.

— Pourquoi des charrettes ?

— Des charrettes de maraîchers… Vous n’avez pas vu qu’ils ont semé la route de choux et de carottes. Ils ont quitté les autos et les uniformes trop compromettants, et certainement les ont remplacés par des habits de paysans. Ils ont pu rentrer à Sofia, ou ce qui est plus probable, se sont mêlés à toutes les voitures campagnardes