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ATHANASE KHETEW

avaient trouvé les costumes nécessaires à cette transformation dans les autos qu’on leur avait amenées et qu’ils s’étaient ainsi travestis en cours de route, ce qu’ils n’auraient pas pu faire en chemin de fer…

« Il faut vous dire encore qu’à Philippopoli, j’avais de nouveau essayé de télégraphier. Les fils, encore là, avaient été coupés. Ah ! ils prenaient bien leurs précautions !…

« Toutefois j’estimais que rien n’était perdu… car je continuais à « gagner » sur Gaulow…

« Arrivé à Zehtiman, c’est-à-dire à une cinquantaine de kilomètres de Sofia, je pouvais espérer arriver, sinon avant les bandits, du moins en même temps qu’eux à l’hôtel de la rue Moskowska. Ah ! monsieur, je vous prie de croire que je remerciais le ciel et que je bénissais l’incident de frontière qui m’avait livré cette vaillante petite voiture ! Nous en avions fait de la vitesse et dans un pays plutôt accidenté ! Les autres avaient peut-être encore dix minutes d’avance sur moi !

« À quelques kilomètres de la ville, un de mes pneus éclata.

« Je me précipitai sur un pneu de rechange, que j’avais aperçu à l’arrière.

« Ce pneu, que je croyais neuf, était crevé lui-même !

« Je tombai à genoux sur la route, en me mordant les poings de fureur !

« Je me disais que, pendant que j’étais là, impuissant, on m’assassinait ma chère Ivana !

« Je voulais me tuer ! Je devenais fou !

« Puis je repris mes sens, parce que je voulais user jusqu’à ma dernière chance !

« Qui me disait que les autres achèveraient leur voyage sans encombre ? Je pris la boîte à outils et me rafistolai un pneu en me servant de semelles de caoutchouc et en liant le tout avec des bouts de ficelle. Heureusement, j’avais une chambre à air, intacte. Après vingt minutes de travail, je pouvais à peu près rouler.