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LE CHÂTEAU NOIR

Et comme l’autre restait sur son siège, comme ébloui par l’éclat de l’idée de Rouletabille, le reporter lui cria :

« Eh bien, descendez, monsieur Athanase, je ne sais pas parler bulgare, moi ! »

Athanase descendit. Sur les indications de Rouletabille, pendant qu’il se réapprovisionnait d’essence, il questionna les employés, et la joie des jeunes hommes fut grande quand ils eurent appris que, trois quarts d’heure au plus avant eux, une limousine, dans laquelle se trouvaient des officiers et une femme, avait stoppé devant le magasin et s’était, comme l’avait prévu le reporter, ravitaillée d’essence.

Les employés donnèrent toutes les explications qu’on voulut bien leur demander, fournissant même un très grand luxe de détails ; la jeune femme — il leur avait été facile de voir que c’était une jeune femme car elle était nu-tête et à moitié enveloppée dans un capote d’officier, — ne se cachait nullement. Elle était très pâle et paraissait malade, mais point agitée. Elle regardait les choses de la rue, vaguement, à travers les carreaux.

Les officiers avaient paru très pressés.

L’officier conducteur ayant retiré l’un de ses gants pour mettre son moteur en marche, un employé avait aperçu une main toute rouge de sang. L’employé avait demandé à l’officier s’il ne s’était point blessé ; l’officier lui avait répondu qu’il s’était blessé, en effet, en mettant sa machine en marche : un retour de manivelle…

Sur la route à suivre, ces curieux voyageurs avaient demandé quelques renseignements. Ils voulaient arriver par le plus court chemin à Monasteritche et les employés leur avaient tracé l’itinéraire : traverser le pont, toute la partie nord de l’avenue Marie-Louise, remonter un peu le boulevard Ferdinand-Ier, passer devant la gare et rejoindre la grand’route. Là ils n’avaient plus qu’à courir tout droit.

Cependant voilà qu’Athanase, maintenant, retombait dans le doute.