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« TROP TARD ! »

exprima-t-il avec une lenteur et une solennité très marquées, qu’il ne faut parler de ces documents à personne !… à personne au monde !…

— À personne, général !… »

Rouletabille salua. Il était déjà parti.

Taciturne et la figure de plus en plus défaite, Stanislawof redescendit dans le jardin.

Des officiers avaient découvert dans les dépendances et dans une petite salle de service du rez-de-chaussée trois cadavres de bas domestiques et deux valets solidement ficelés, bâillonnés. Ils avaient fait conduire les valets vivants encore à la police qui les accusa immédiatement de complicité et les mit au cachot, ce qui prouve que ces sortes d’affaires sont toujours déplorables pour tout le monde, pour ceux qui en meurent et pour ceux qui en réchappent…

Dans sa course de la maison à la grille, Rouletabille avait été arrêté deux minutes par un objet qui avait échappé à la vue des officiers et qu’il mit dans sa poche, se réservant de l’examiner plus tard.

Ce léger retard fit que le général, son escorte et Rouletabille se trouvaient presque en même temps à la sortie, sur la rue Moskowska, quand une auto d’une saleté repoussante, lourde de boue, déboucha de la place de la Cathédrale Saint-Alexandre-Newski et vint se ranger à toute allure devant l’Hôtel Vilitchkov. De cette auto, un homme aussi peu présentable qu’elle, à la figure hâve, aux traits tirés, à la physionomie anxieuse, bouleversée, bondit et s’arrêta net en voyant le groupe d’officiers qui entourait le général Stanislawof.

En même temps, il apercevait les corps des deux sentinelles et laissait échapper une sourde exclamation de désespoir.

« J’arrive trop tard !… »