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LE CHÂTEAU NOIR

gémissement qui sort maintenant de la bouche d’Ivana, avec les mêmes mots sans cesse répétés que ne comprend pas Rouletabille.

Celui-ci voudrait courir derrière Ivana, la voyant se sauver, aussi stupéfait de cette course inattendue que l’oiseleur qui réchauffe dans ses mains l’oiseau quasi mort et qui, soudain, le voit s’envoler !

Mais le général a poussé un si effrayant soupir en regardant fixement Rouletabille que le reporter ne peut s’empêcher d’aller à ces yeux qui l’hypnotisent, à cette bouche qui semble vouloir prononcer une parole suprême…

Et cette parole prononcée dans un souffle, Rouletabille la recueille avec un prodigieux étonnement, avec une stupéfaction dont l’expression sur sa bonne ronde héroïque figure eût pu faire sourire s’il n’y avait eu autour de cette dernière parole tant de sang et tant de cadavres…

Rouletabille recule devant cette phrase de folie. Le général délire, ses lèvres tremblent encore, et puis un dernier soupir. Le général est mort.

Pendant ce temps, la course de la pauvre Ivana n’a pas été longue… En sortant de la chambre, la jeune fille a roulé aux deux marches et ne se relève plus…

Alors elle attire de ses bras tremblants la tête de Rouletabille, qui s’est rué vers elle et qui se penche sur elle, et elle lui dit à l’oreille ces mots précipités :

« Gaulow a volé le coffret byzantin…

— Le coffret byzantin ? » répète, hébété, le pauvre reporter.

Et comme Rouletabille ne semble s’occuper que d’elle-même et nullement de ce qu’elle dit :

« M’entends-tu ?… M’entends-tu ?… Je te dis que Gaulow a volé le coffret byzantin… »

Et la voilà repartie à gémir des mots incompréhensibles en se tordant les mains…

Ce nouveau désespoir, ce dernier délire font sangloter Rouletabille, qui se précipite sur cette chère tête, qui