Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 1.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
LE CHÂTEAU NOIR

qui vient de faire irruption dans la pièce, qui bondit vers eux… et qui arrive juste à temps pour rabaisser la tapisserie sur la double porte refermée.

Ivana, Rouletabille ont reconnu le berger Vélio, poursuivi, lui aussi, traqué et qui, avant de mourir, aura eu au moins le temps de faire le geste qui, peut-être, sauvera sa jeune maîtresse. Car déjà les assassins sont sur lui :

Du fond de leur armoire, Ivana et Rouletabille entendent leurs vociférations, leurs admonestations, leurs menaces et leurs promesses.

Ils traînent maintenant Vélio avec eux, le sommant, sous peine de mort, de leur dire où est sa maîtresse, de leur dévoiler la mystérieuse cachette où, dans cette maison qu’il connaît, elle a pu se réfugier.

Mais Vélio prétend ne rien savoir… on entend ses désespérées dénégations… et la bande passe… pousse le malheureux plus loin, le traîne avec elle, au centre d’un tas de gestes de mort !

Pendant ce temps, les deux jeunes gens, au fond de leur placard, s’étreignent les mains, espèrent qu’ils sont sauvés, n’osent pas respirer, écoutent…

Ah ! quand Rouletabille traversait naguère Belgrade et visitait les chambres fatales du Konak, il ne pensait point qu’il reverrait si tôt une horreur pareille et qu’il revivrait — pour en mourir peut-être — la nuit d’Alexandre et de Draga, au fond de leur placard !

Ainsi devaient-ils se tenir tapis, les deux amoureux souverains, dans la nuit de leur cachette, derrière les rideaux, tandis qu’ils entendaient « travailler » leurs ennemis !… et que l’on trainait de pièce en pièce Lazare Pétrovitch, comme ceux-ci traînaient Vélio, pour qu’il dévoilât la retraite de sa maîtresse…

Mais si Lazare Pétrovitch a parlé, Vélio s’est tu héroïquement, héroïquement comme un bon berger dévoué à la garde de ses maîtres, comme un chien fidèle.

Ah ! ces bruits de bottes et de sabres sur le parquet !… Quand cesseront-ils ?…