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LE CHÂTEAU NOIR

jeune homme promenait avec un orgueil de paon dans des cafés de second ordre…

« Que se passe-t-il, Vladimir Pétrovitch ? Vous avez l’air furieux, mon ami ! »

Vladimir Pétrovitch posa sa canne, son chapeau, ôta ses gants (toujours très élégant, Vladimir Pétrovitch) et dit :

« Je suis furieux parce que j’ai encore rencontré ce brigand de Marko le Valaque ! Vous savez bien, le correspondant particulier de la Nouvelle Presse de Paris. Il me suit partout pour savoir ce que je vais faire, ce que je vais télégraphier. Ah ! méfiez-vous, monsieur, de Marko le Valaque ! c’est un homme sans scrupule qui est capable de tout : je ne le lui ai pas envoyé dire !

— Fiche-moi la paix avec ton Valaque ! Qu’est-ce que je t’avais dit de faire ?…

— Je viens de la poste, j’ai tenté en vain de télégraphier, comme vous me l’avez demandé, à Jambol, à Straldja, à Kizil-Agatch ; toutes les communications postales et télégraphiques, par ordre du gouvernement, sont coupées sur tout l’est de la Bulgarie ! »

Rouletabille claqua des mains et fit entendre un « parbleu » triomphant, puis il revint devant sa carte et cria à La Candeur :

« Écris ! Journal Époque, Paris. — Le plan adopté par l’état-major bulgare que tous les correspondants de guerre télégraphient depuis deux jours n’a pas été sans étonner ceux qui pensaient que l’on ne s’arrêterait point à l’obstacle d’Andrinople. Mais il faut se rendre sans doute à l’évidence des ordres ostensiblement donnés, sans quoi la concentration des troupes, au lieu de se faire uniquement près de la Maritza, comme on l’avoue actuellement, aurait eu lieu certainement en grande partie à l’est bulgare, par exemple à Stradjal, à Jambol et à Kizil-Agatch, derrière les contreforts de l’Istrandja-Dagh, d’où l’armée bulgare, bien dissimulée, eût pu, par surprise, déboucher sur Kirk-Kilissé… »