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SUR QUELQUES ÉVÉNEMENTS…

Il poussa le verrou de la poterne et pénétra dans la bâille, où régnait une animation extraordinaire, Au milieu d’une soldatesque revêtue des uniformes les plus baroques, il vit arriver, entre autres cortèges, celui de la musique militaire de Kara pacha. Il imagina que ces messieurs, habillés comme des singes de foire et brandissant des cuivres bizarres, des tambours aux formes inédites, devaient être capables d’une prodigieuse cacophonie. Depuis quelques minutes, il assistait à ce spectacle quand il fut rejoint par Vladimir et La Candeur, qui faisaient une figure bien déplaisante. La Candeur se tenait tristement le nez avec son mouchoir.

« Qu’y a-t-il ? leur demanda Rouletabille tout de suite, car les deux autres le regardaient avec consternation sans lui faire part de la fâcheuse nouvelle dont ils étaient certainement porteurs.

— Il y a, monsieur, commença Vladimir, qu’il nous est arrivé une fâcheuse histoire avec ce Priski !…

— Quoi ! s’écria Rouletabille qui devint vert, il ne s’est pas échappé ?

— Mais si, monsieur.

— Ah ! misérables !… »

Vladimir l’arrêta, car il courait déjà au donjon.

« Monsieur ! monsieur !… Il s’est échappé, mais nous l’avons rattrapé !…

— Brute ! que ne le disais-tu tout de suite !

— Ça n’est pas si simple que cela, monsieur ! Il faut que vous nous écoutiez. La faute en est d’abord à La Candeur qui n’a pas ficelé M. Priski tout de suite comme je le lui recommandais.

— C’est vrai, La Candeur ?

— C’est vrai, avoua l’autre en baissant le nez.

— Qu’est-ce que tu avais donc à faire de si pressé ?

— Monsieur, je m’étais mis à étudier le terrain des opérations sur la carte du vilayet d’Andrinople…

— Et moi, fit Vladimir, je regardais l’heure qu’il était à ma montre quand ce Priski nous a brûlé la politesse.