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LE CHÂTEAU NOIR

que ce bon M. Priski, qui, avec ses histoires à dormir debout, voulait nous priver d’une petite promenade hygiénique, laquelle, de tout point, s’est passée d’une façon charmante !

— D’une façon charmante ! D’une façon charmante !… Enfin, s’exclama La Candeur, j’ai tout de même tué une sentinelle, moi !

— Toi ! tu as tué une sentinelle ?… Tu t’imagines cela, La Candeur et, permets-moi de te le dire tout de suite parce que je te veux du bien, que c’est une imagination bien dangereuse, mon garçon !…

— Je croyais bien pourtant l’avoir tuée… et je ne comprends pas…

— Ah ! tu ne comprends pas !… Quand on ne comprend pas, on n’imagine pas !… Rappelle-toi seulement ce que t’a coûté à Paris ce pauvre petit coup de poing que tu avais, par mégarde, donné à un sergent de ville… et songe, malheureux, songe à ce que pourrait te rapporter, en Turquie, l’assassinat d’une sentinelle !…

— Ah ! l’assassinat, monsieur, je n’ai point dit l’assassinat !… c’est horrible, l’assassinat !

— D’une pauvre sentinelle qui ne faisait de mal à personne…

— À personne… ça c’est vrai !… elle ne faisait de mal à personne…

— Tu en conviens toi-même !

— Cependant, Rouletabille, elle nous bouchait la route !

— Et c’est une raison parce qu’on a la route bouchée pour assassiner les gens ?…

— Mon Dieu ! je ne l’ai pas assassinée et…

— Ah ! tu vois bien !… Et c’est tant mieux pour toi, car dans le cas où tu l’aurais tuée, cette sentinelle, tu serais, toi, pendu avant la fin du jour !…

— Avant la fin du jour ? tu crois ?… Ah ! Rouletabille, tu as raison… je n’ai certainement pas tué ce pauvre homme…