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« JE T’AIME »

— Tant mieux ! fit Rouletabille en se penchant à l’oreille de La Candeur… Tant mieux !… tu vas lui donner ton coup de poing de la peur !… Tu sais, celui qui a assommé le sergent de ville !

— Ah ! oui… oui… acquiesça tout de suite La Candeur… Tiens, je n’y pensais plus… ça c’est une idée !…

— N’est-ce pas ? Quand il va revenir là tout à l’heure, et que tu auras sa tête, là sous toi… ça te sera facile !… On lui décrocherait presque son bonnet de dessus la tête à ce grand diable de sentinelle de Turc !… Il viendra jusque-là !… Tu attends qu’il se retourne… Tu tâches à avoir très peur… et pan !

— Compris !… Compris !…

— Tu sais que si tu le rates, nous sommes tous « cuits » !

— Ah ! tu me fais trop peur !…

— Tant mieux ! tant mieux !…

— Je sens qu’il n’en réchappera pas !.…

— C’est ce qu’il faut, on le croira mort d’un coup de sang. Tu comprends, il ne faut pas qu’on soupçonne…

— Le pauvre diable ! Il a peut-être des enfants !…

— Je m’informerai… va toujours…

— Taisez-vous ! conseilla M. Priski du fond de sa ligature, le revoilà !… »

La sentinelle revenait, en effet, sous les jeunes gens, et M. Priski, qui n’avait rien saisi de la conversation de ses hôtes et qui continuait à se demander comment ils allaient sortir de ce mauvais pas, assista au spectacle suivant, d’abord avec un certain effarement, ensuite avec un évident enthousiasme.

M. Priski aimait « l’ouvrage bien faite ». Il fut servi.

D’abord il aperçut le « neveu de M. de Rothschild » qui gonflait le dos comme un animal à l’affût ; puis, lentement, M. La Candeur levait la masse de son poing tremblant et formidable au-dessus du Turc qui s’avançait avec une lenteur tout à fait majestueuse, puis tout à coup M. Priski entendit « floc ! » et il ne vit plus de sentinelle.