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« JE T’AIME »

« J’ai peur, dit-elle !… J’ai peur pour toi à cause de cet homme là-haut… Sait-il que tu m’aimes ?…

— Il le sait !…

— Alors, pour Dieu ! prends garde à toi !… Il est capable de tout !…

— Tout à l’heure j’ai failli tomber, il a voulu me sauver !…

— Tout à l’heure, tout à l’heure, tu n’avais pas passé une heure avec moi, dans ma chambre. Comment se fait-il qu’il t’ait laissé venir ?…

— Parce qu’il a redouté que ce ne fût moi qui restât là-haut.

— Et toi tu n’as pas craint cela !… Toi, tu ne crains rien !… Ah ! mon bon petit Rouletabille ! »

Et elle l’embrassa passionnément.

« Et maintenant, adieu, va ! grimpe vite ! surprends-le ! Il n’y a pas d’autre chemin. Si tu meurs, je mourrai, petit Zo !… »

Il s’élança vers le ciel, de l’amour plein le cœur. On allait peut-être couper la corde là-haut ! S’il était mort dans ce moment-là, il serait mort heureux !…

Mais il acheva son ascension sans encombre, et quand il eut disparu dans l’ombre de la poivrière, Ivana referma soigneusement la fenêtre, et le rideau de velours retomba.

Rouletabille monta dans la gouttière de la poivrière. Là il se retrouva en face de La Candeur qui, à genoux, près de la corde, avait l’air fort courroucé contre Athanase, lequel, à genoux lui-même, ne paraissait point de meilleure humeur à l’endroit de La Candeur. Placés comme ils l’étaient là, ils avaient l’air de deux chats en querelle.

« Qu’y a-t-il ? demanda Rouletabille.

— Il y a, répondit La Candeur, que monsieur, sous le prétexte qu’il vous trouvait trop longtemps parti, voulait couper la corde !

— Fichtre ! j’ai bien fait de t’emmener, La Candeur !