Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 1.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
« JE T’AIME »

saisir cette fragile épave. Il y retournait en traînant son Ivana farouche et désabusée.

« Ivana, cette image, il ne vous en a pas parlé, lui ?

— Non, pas un mot. C’est peut-être qu’il en avait déjà trouvé le secret !

— Et vous, vous le connaissez ce secret ?

— Moi ? fit-elle en redressant un visage égaré. Moi ? mais je ne sais rien ! Ce secret, je l’ignore !… je n’ai appris qu’à la dernière heure, par la bouche de mon oncle mourant, que ce coffret avait un tiroir secret ; mais encore, j’ignore comment il s’ouvre et mon oncle n’avait même point pensé à me signaler la sainte image. Il s’en est souvenu certainement à la dernière seconde, alors que vous étiez seul près de lui, et ainsi a-t-il pris le temps de balbutier quelques paroles interrompues par la mort et qui ne nous disent nullement comment s’ouvre ce tiroir !…

— Mais cette sainte image, Ivana, vous la connaissiez déjà ? Elle vous avait déjà frappé ?…

— Autrefois, ma mère s’était amusée à me la montrer souvent… en me disant que si j’étais bien sage… la sainte Sophie à la cataracte me ferait des surprises !… Il y avait là, évidemment, une allusion au tiroir secret dans lequel elle aimait sans doute à dissimuler des objets précieux qu’elle me destinait… Elle tenait énormément à ce coffret que lui avait donné mon père le jour de leur mariage… Elle l’avait toujours dans sa chambre ; elle s’en amusait comme une enfant… Elle nous en montrait à ma petite sœur et à moi les trésors cachés pour jouir de notre éblouissement.. Mais jamais, jamais devant nous elle n’a fait jouer le tiroir secret…

— Et cette Sophie était appelée « à la cataracte », interrogea encore le jeune homme d’une façon pressante, à cause d’une cascade, d’un paysage accessoire ?…

— Non ! non ! elle était appelée ainsi à cause d’une taie qu’elle a sur l’œil !…

— Alors, c’est simple, fit l’autre. Pour faire jouer le tiroir secret, il faut lui appuyer sur l’œil…