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« JE T’AIME »

« Ivana ! Avant tout, je vous aime !… »

Mais elle secouait la tête, sans doute parce qu’il avait dit « avant tout » et qu’elle, elle ne l’aimait point ainsi, qu’elle ne pouvait aimer personne ainsi. Il le vit bien, la trouvant séparée de lui par un espace immense, la Bulgarie !…

En ce moment même, où il avait rêvé de la tenir dans ses bras et de lui rendre avec tendresse le baiser tragique qu’elle lui avait donné devant la mort, en ce moment même, elle ne pensait pas à lui !…

Sa bouche murmura bien, sa belle bouche qu’il adorait :

« Oh ! mon ami, mon frère !… Petit Zo !… être cher… » Mais ce n’était point là le transport de son amour, c’étaient des termes qui semblaient s’apitoyer sur quelqu’un de défunt, sur quelque chose de bien fini, de disparu pour toujours. Est-ce que vraiment, vraiment, elle était décidée à être la femme de ce monstre ?… Allons donc ! Tout était possible ! Excepté ça !…

Et puisqu’elle ne venait pas à lui et qu’elle se défiait, il se glissa sournoisement jusqu’à elle et brusquement saisit cette ombre dans ses bras.

Elle rejeta la tête en arrière, frémit, et lui, sentant fondre entre ses mains cette âme forte, espéra… mais elle se reprit :

« Petit Zo !… Il faut partir !…

— Jamais !… je suis venu pour vous chercher… pour vous enlever !… nous trouverons bien ensuite moyen de sauver ces documents ! D’abord, où sont-ils ?

— Je les crois toujours dans le coffret volé par Gaulow… et ce coffret, Rouletabille, ce coffret plein de bijoux, il a la générosité de me le rendre le soir de mes noces !… Comprenez-vous ? Comprenez-vous, petit Zo ?… Comprenez-vous pourquoi il faut que je sois la femme de Gaulow ?… Demain soir, quand il m’aura apporté ce coffret dans la chambre nuptiale, je saurai la vérité !… Je vous la ferai savoir dès le lendemain matin !… et vous partirez, vous rentrerez avec elle, à Sofia !