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LE CHÂTEAU NOIR

viendriez !… Quel chemin vous inventeriez, mais je vous attendais, mon petit Zo !… Chut !… mes femmes dorment dans la pièce à côté. On croit que je repose moi-même… J’ai dû me coucher… faire celle qui dormait… et puis je me suis relevée, car j’étais sûre que je vous verrais cette nuit… Ah ! mon petit, mon petit, je n’avais pas besoin de rencontrer votre regard tantôt dans cette salle de fête pour savoir que vous n’étiez venu que pour moi et que vous alliez tout tenter pour vous rapprocher de moi !… Hélas, si vous aviez compris mon regard, vous ne seriez pas venu, petit Zo !

— Moi, et pourquoi ? Ivana ! Ivana ! je suis venu vous chercher ! Nous n’avons pas une minute à perdre !… Suivez-moi et vous êtes sauvée !…

— Si vous commettez la moindre imprudence, petit Zo ! tout est perdu !… Vous savez bien que je ne puis vous suivre ! Vous savez bien pourquoi je suis là !… Les documents… Les plans de l’état-major, mon ami, j’aurai les documents demain. Ah ! je crois que nous pouvons espérer encore !… Je le crois !… et à quel prix, petit Zo !… Savez-vous bien que ce que vous faites là est terrible ! Vous êtes dans la chambre de celle qui a consenti à être la première kadine de Kara pacha !… »

Elle lui disait ces choses extraordinaires simplement et ainsi qu’elle eût annoncé des choses naturelles sur lesquelles il n’y avait plus à revenir ! Non, vraiment ! est-ce qu’elle croyait qu’il allait la laisser devenir la femme de Gaulow et qu’il n’était venu de si loin, à travers tant de dangers, que pour assister à des noces pareilles !

Il regarda son ombre souple devant lui et qui semblait avoir peur de se rapprocher de lui.

Elle était vêtue d’un vague vêtement sombre qui se confondait avec les ténèbres et il n’apercevait de son visage que quelques lignes fantomatiques où brûlait la calme flamme de ses beaux yeux noirs.

Il lui tendait toujours les bras. Elle ne venait point. Il s’impatienta. Il lui dit :