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SUR LES TOITS

Là-dessus Athanase se tut en regardant Rouletabille, Il réfléchissait qu’en somme, sa vie allait certainement dépendre entièrement du reporter. Rouletabille pouvait détacher la corde ou la couper, ou commettre quelque maladresse volontaire et c’en était fait d’Athanase. Athanase n’ignorait pas l’importance que la disparition de son individu pouvait avoir pour Rouletabille. En fin de réflexion, il lui dit :

« Monsieur, tout compte fait, il est préférable que ce soit moi qui me trouve ici pendant que vous descendrez dans la chambre le long de la corde.

— Vous avez donc changé d’avis ? interrogea Rouletabille, avec un léger sourire, car il comprenait parfaitement ce qui se passait dans le cerveau d’Athanase.

— Mon unique avis est qu’il faut sauver Ivana Vilitchkov, monsieur, je n’ai point d’autre pensée et c’est à cette pensée-là que je sacrifie la joie et l’orgueil que j’aurais eus à l’arracher moi-même à sa prison. Monsieur, je suis beaucoup plus fort que vous, et c’est de la force qu’il faut ici ! »

Rouletabille daigna trouver toutes ces raisons excellentes ; il les accepta, profitant de la méfiance de son rival.

Cependant, il ne manquait pas de faire les mêmes réflexions que se faisait tout à l’heure le Bulgare. Sa vie allait dépendre entièrement d’Athanase qui savait son amour pour Ivana.

Si Rouletabille était brave, il n’était ni imprudent, ni téméraire ; il connaissait trop peu ou trop Athanase pour se livrer complètement à lui. L’amour rend quelquefois misérables les cœurs les plus droits. Pouvait-il compter sur Athanase ? Tout était là !

« Monsieur, c’est entendu, vos raisons sont excellentes. C’est moi qui descendrai. Je vais attacher ma corde à la girouette de la poivrière.

— Monsieur, fit Athanase, le toit est d’une inclinaison rapide, faites bien attention à vous. J’ai jugé tantôt que