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LE CHÂTEAU NOIR

Cette gouttière, dans laquelle ils manœuvraient, était de date récente. Les créneaux, trop vieux, n’avaient pas été remplacés. De telle sorte que la position des deux hommes était assez critique, en ce sens que, s’ils glissaient, ils n’avaient rien pour se rattraper. Leur situation leur apparut plus difficile encore lorsqu’il fut question d’user des cordes qu’ils avaient emportées pour descendre jusqu’à la fenêtre de la chambre haute.

« Monsieur, commença Rouletabille, il s’agit de savoir quel est celui de nous qui va descendre, en se laissant glisser le long de la corde, jusqu’à cette fenêtre.

— Monsieur, répondit Athanase, il ne fait point de doute que c’est à moi que cet honneur revient.

— Monsieur ! je voudrais bien savoir pourquoi ?…

— Monsieur, parce qu’il s’agit de pénétrer dans la chambre d’une jeune fille dont je suis le fiancé.

— Monsieur, il n’est point d’usage qu’un fiancé pénètre dans la chambre d’une jeune fille avant qu’elle soit devenue sa femme, dit Rouletabille.

— Enfin, monsieur, il faut que l’un de nous reste ici !

— C’est absolument nécessaire pour que celui qui reste ici aide l’autre et Mlle Vilitchkov à sortir de cette chambre. C’est de celui qui restera ici, de son courage, de sa force et de son sang-froid que dépendra la réussite de l’entreprise. Dans ces conditions et pour faire cesser une discussion qui a déjà trop duré, je vous laisserai donc, monsieur, descendre dans la chambre, pendant que je resterai ici.

— Merci, monsieur, mais où allons-nous attacher la corde ? demanda Athanase.

— Nous ne pouvons l’attacher à la gouttière ; celle-ci ne supporterait point le poids de deux corps balancés dans le vide. Il n’est que la pointe de la poivrière pour nous offrir quelque sécurité. Quand la corde sera attachée à cette pointe, je ne craindrai pas de la voir m’échapper des mains en guidant votre descente », expliqua Rouletabille d’un air assez dégagé.