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À TRAVERS L’ENFER

Or ce minuscule escalier n’avait pas de rampe, ni extérieurement, ni contre la muraille… On ne pouvait se retenir à rien…

Certes, il ne fallait pas faire un faux pas et il ne fallait pas avoir le vertige, sans quoi on risquait immédiatement d’être précipité dans le vide et de partager l’horrible sort de ce malheureux dont Rouletabille avait voulu abréger le martyre. Chose curieuse, on pouvait facilement atteindre cet escalier en s’appuyant sur le dernier crampon de fer. Rouletabille s’en étonna :

« Ma parole, avec un peu de chance, on pouvait encore sortir de cette oubliette-là !…

— Oui, expliqua Priski, c’est une particularité bien connue de tout le monde au château et on en a fait souvent des gorges chaudes… Quand on vous jette, il faut avoir la chance d’être accroché par un crampon pour tenter la chance de se décrocher et de remonter à la surface ! Cette chance-là ne s’est produite qu’une fois pour une belle esclave de Circassie, qui avait eu le tort de renverser du café chaud sur les pieds de la kadine. On la précipita et on n’y pensa plus. Huit jours plus tard, elle fut rencontrée par les eunuques dans le quartier des esclaves, se traînant sur les dalles du couloir, le visage en sang et les seins arrachés. Elle avait pu remonter !…

— Vous voyez donc bien que votre oubliette rend quelquefois ce qu’on lui donne, dit Rouletabille.

— Cette fois-là seulement, vous dis-je, et pas pour longtemps. La kadine fit rejeter la Circassienne dedans ! et cette fois, elle n’est plus revenue.

— Attention ! commanda Rouletabille, on marche au-dessus de nos têtes… Soufflez la lumière, Athanase. »

Aussitôt la lumière de la lanterne fut soufflée et une nuit profonde régna dans l’oubliette.

On entendit très distinctement un bruit de pas sur la plaque de fer. En revanche, il y avait un silence absolu sous cette plaque : M. Priski avait fini de raconter ses histoires.