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LE CHÂTEAU NOIR

été capable de vouloir suivre Rouletabille jusqu’au fond du puits, après y avoir précipité Athanase et M. Priski, à seule fin de ne point voyager seul — ce que sa pusillanimité redoutait par-dessus tout. Athanase s’était hissé à son tour sur le croc de Rouletabille, tandis que le reporter s’installait plus haut en compagnie d’un esclave noir fort desséché et fort crépu, qui était solidement maintenu par le crampon de fer entre les os du bassin.

« Tu sais, la maçonnerie est solide ! jeta Rouletabille à La Candeur. Tu peux y aller ! Les anciens avaient un mortier épatant, il n’y a pas à dire. On croirait que tout ça est construit d’hier, s’il n’y avait pas les vieux morts !…

— Rouletabille, ne blague pas, ça n’est pas le moment, exprima La Candeur, tu n’en as pas envie et ça nous porterait malheur ! »

Athanase usait, pendant ce temps, de la corde de Rouletabille. Puis vint le tour de La Candeur qui protesta entre ses dents, comme il fallait s’y attendre, que « tout cela n’était pas du reportage » et qui, ayant attaché à son cou le bon M. Priski, finit par se suspendre à la corde d’Athanase.

En somme, l’ascension s’accomplissait régulièrement et rien ne semblait devoir venir en troubler l’harmonie.

Comme ces morts, de près, paraissaient anciens, nos compagnons commençaient à se faire à l’horreur ambiante et ce fut même le plus épouvanté de tous, l’excellent M. Priski, qui prouva à cette occasion, avec quelle facilité la nature humaine peut s’adapter à toutes les circonstances, même aux plus exceptionnelles de notre aventureuse existence.

Maintenant il osait regarder les choses et les gens en face, si bien qu’on l’entendit s’exclamer à un moment où le plus grand silence régnait dans l’oubliette et où chacun se reposait des efforts déjà fournis :

« Ah ! mais, voyez donc… Le mort d’en face… mais