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LE DONJON

cune alarme n’ait été donnée dans le château et aux alentours.

— Quand prévoyez-vous que nous pourrons sortir d’ici ? demanda Athanase.

— Comment nous ? Nous, nous restons, monsieur.

— Je vous répète que c’est de la folie. D’autre part, si vous restez, pourquoi tenez-vous à ce que je m’en aille ? Vous savez bien que je ne partirai qu’avec Ivana et, si Dieu le veut, avec les documents !… »

Rouletabille se dressa autant qu’il le lui était permis entre les deux créneaux, et lui montrant les feux qui, de-ci de-là, s’étaient allumés au sommet des monts et dans la vallée, il lui dit :

« Athanase, ne soyez pas entêté et, pour le salut de tous, faites ce que je vous dirai. Regardez ces feux : ce sont autant d’yeux ouverts dans la nuit pour veiller sur le domaine du pacha noir.

« Vous savez que toutes les routes, toutes les pistes de cette partie de l’Istrandja-Dagh lui appartiennent, et vous m’avez dit qu’elles sont si bien gardées que nul étranger, perdu ou tombé dans cette vaste toile d’araignée dont le Château Noir est le centre, ne saurait échapper au monstre qui l’habite. Pour sortir de chez Gaulow, pour échapper avec Ivana à son étreinte, il vous faudrait au moins deux jours ; vous seriez repris, vous et Ivana, avant deux heures. Quant à partir tous ensemble, nous ne pouvons espérer, avec ce qui nous reste à faire et en admettant que tout réussisse, tenter de fuir avant l’aube. Nous serions vite rejoints et incapables de nous défendre.

« Seul, Athanase, vous pouvez passer ! Vous passerez ! Vous êtes passé déjà. On ne vous connaît pas. Vous êtes un quelconque muletier pomak qui n’éveillerez aucune méfiance sur votre chemin. Vous ferez ce que vous avez déjà fait. Mais il faut que vous soyez seul, n’est-il pas vrai ? Si je vous parle si longuement en ce moment où les minutes nous sont si précieuses…