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LE CHÂTEAU NOIR

Athanase se pencha et se releva tout de suite :

« Vous voulez dire sur un précipice !… »

Oui, la campagne, de ce côté-là, était un précipice… Le donjon semblait prolonger le roc, être taillé dans le roc lui-même. Mais aucun bruit d’eau, aucun tumulte de torrent ne montait du lointain bas-fond qui se perdait dans l’ombre.

Le ruisseau aux eaux mugissantes que les jeunes gens avaient entendu à leur arrivée à la Karakoulé coulait sur la façade ouest du château : à l’Est, la Karakoulé n’était défendue que par l’espace, son élévation et le vertige.

« C’est par là que vous partirez ! souffla Rouletabille à Athanase.

— C’est haut ! répondit froidement Athanase.

— Trouvez-vous que c’est trop haut ? demanda le reporter.

— Rien n’est jamais trop haut pour moi ! répliqua l’irascible Bulgare, mais ce sera sûrement trop haut pour nos deux cordes, même réunies…

— Aussi les allongerons-nous de lanières de linge et draps tordus ensemble. Nous allons faire travailler Modeste et Tondor. Mais qu’est-ce que cela ? » dit tout à coup le reporter en fixant un point de la plate-forme jusqu’alors resté dans l’ombre et que la lune venait d’éclairer.

C’était une vague chose accroupie avec des sortes de bras menaçants et tendus vers les deux compères.

Rouletabille se glissa jusqu’à cette chose, l’examina, la palpa, la fit crier légèrement, grincer et revint auprès d’Athanase.

« Voyez notre bonne fortune, dit-il. Il y a là sur cette plate-forme un vieux treuil qui a dû servir jadis à faire monter des provisions directement de la campagne dans le donjon. Il ne lui manque qu’un filin et une barquette. Nous les y mettrons et vous n’aurez qu’à vous y attacher. Nous vous descendrons fort proprement par ce truchement sans que personne ne s’en aperçoive et avant qu’au-