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LE CHÂTEAU NOIR

Mais Rouletabille ne prenait guère, comme l’on pense bien, sa part de la fête ! Il n’avait d’yeux que pour Ivana Vilitchkov, la captive de ce magnifique bandit qui affichait avec tant de cynisme et d’insolence son rare bonheur.

Eh ! ils faisaient un beau couple tous les deux ! Beau et harmonieux !… Elle, tout en blanc, lui, tout en noir !

Elle aussi était calme, avec une figure très pâle et de beaux yeux paisibles.

Rouletabille ne pouvait lire sur cette physionomie immobile aucune trace de combat.

Elle avait dû accepter tout de suite d’être sa femme, comme elle s’était soumise tout de suite à ses ravisseurs, comme elle les avait suivis. Sans cris, sans désespoirs, sans appels, enfin, comme Rouletabille l’avait dit lui-même à Athanase, presque de son plein gré !…

Rouletabille connaissait trop Ivana depuis ses dernières confidences pour n’avoir point, du premier coup, découvert la raison d’une aussi inattendue conduite.

Ce n’étaient point Gaulow et ses compagnons qu’Ivana consentait à suivre…

C’étaient les documents !

Elle ne vivrait plus que pour les ravoir, les reprendre ou les détruire, et rien n’existait plus en dehors de cela pour quoi elle était prête à sacrifier sa propre existence !

Ah ! le cri de douleur et de rage avec lequel elle avait appris à Rouletabille le formidable rapt ! Avec quelle autorité surhumaine elle l’avait chassé loin d’elle pour qu’il courût apprendre à Stanislawof que les plans de mobilisation avaient été volés !

Mais aussi (Rouletabille s’imaginait, s’était toujours imaginé cela) : avec quel ravissement elle avait dû voir revenir ses bourreaux qui l’emportaient, qui la traînaient avec eux et avec les plans volés ! Pourquoi se serait-elle débattue ? Pourquoi aurait-elle appelé ? Les documents n’étaient point dans cette auto qui l’emportait, mais ne la conduisait-on pas vers le mystérieux repaire où elle pour-