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LE CHÂTEAU NOIR

monsieur était un « client sérieux »… Ah ! on n’avoue pas ça tout de suite, on voudrait passer inaperçu… On joue au plus malin !… On a tort ; c’est du temps perdu ! »

M. Priski eût continué longtemps sur ce chapitre si Rouletabille ne l’avait interrompu pour lui poser négligemment cette question :

« Dites-moi, cette nouvelle épouse, dont on parle tant, d’où vient-elle ?

— Monsieur, Kara Selim seul pourrait vous renseigner au juste point. Le bruit court qu’il l’a ramenée de Bulgarie, à son dernier voyage, et qu’il en est fou !…

— Et elle, en ce qui la concerne, sait-on si elle accepte son sort avec la même joie ?

— Vous voulez sans doute dire, monsieur, si elle y souscrit de son plein gré ?… Eh bien, monsieur, on le prétend, et j’ai vu, pas plus tard que ce matin, le premier eunuque qui m’a affirmé qu’ils feraient tous deux un charmant ménage !

— Il y a longtemps que les fiancés sont arrivés à la Karakoulé ?

— Oh ! depuis avant-hier… C’est à peine si, avant ce soir, on a aperçu notre cher seigneur. Il était tout le temps fourré chez Ivana Hanoum. Il lui faisait la cour, vous comprenez. »

En entendant le nom d’Ivana, le reporter blêmit.

« Eh mais ! répliqua-t-il, je croyais qu’un musulman ne pouvait parler à sa femme et la voir que le soir de ses noces ?

— C’est exact, monsieur, si la fiancée est musulmane ; mais vous oubliez que dans le cas qui nous occupe, elle est encore chrétienne. Les fiançailles se font à la chrétienne, ce qui n’empêchera pas le mariage de se conclure à la musulmane. De telle sorte, monsieur, que vous allez pouvoir, ainsi que tous les nobles invités de mon maître, sans risquer pour cela votre tête, vous allez pouvoir, dis-je, contempler tout à l’heure Ivana Hanoum, puisque, ce soir, nous n’en sommes encore qu’aux fiançailles.