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ments maculés de sang et la hache encore tachée de rouille qui avait frappé !…

Comment ai-je pu vivre les quelques semaines encore qui précédèrent l’exécution du malheureux, à côté de cet homme, après ce que j’avais vu ?

J’avais peur qu’il ne me tuât !…

Comment mon attitude, mes terreurs ne l’ont-elles pas instruit ? C’est qu’à ce moment, sa pensée tout entière semblait en proie à une épouvante au moins aussi grande que la mienne. Mathis Müller ne l’abandonnait pas ! Pour le fuir, sans doute, il allait maintenant s’enfermer dans le petit cabinet et, parfois, je l’entendais donner d’énormes coups dont retentissaient le plancher et les murs, comme s’il se battait avec sa hache contre les ombres et les fantômes qui l’assaillaient.

Chose étrange, et qui me parut d’abord inexplicable, quarante-huit heures avant le jour fixé pour l’exécution de Müller, Herbert reconquit d’un coup tout son calme, un calme de marbre, un calme de statue. L’avant-veille au soir, il me dit :

— Élisabeth, je pars demain au petit jour, j’ai une importante affaire du côté de Fribourg ! Je serai peut-être deux jours parti, ne t’inquiète pas.

C’était à Fribourg que devait avoir lieu l’exécution et, soudain, j’eus cette idée que toute la sérénité d’Herbert ne lui venait que d’une grande résolution prise.

Il allait se dénoncer.

Une pareille pensée me soulagea à un point tel que, pour la première fois depuis bien des nuits, je m’en-