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IV
A BÉRANGER.

poètes ne savaient que gémir et pleurer. Il aurait paru, en face de ces Héraclites, avoir le rôle de Démocrite. Il aurait ri, mais non pas de ce rire désolé que l'on reproche à Voltaire. Fils de Francklin, béni par Voltaire au nom de Dieu et de la liberté, l’enthousiasme se serait mêlé à l’ironie dans l’âme de ce poète. Au milieu d’un monde corrompu et atteint de désespoir, il aurait été beau d’espérance, ayant pour lui Dieu et la liberté ; et sa satire, animée d’un sentiment lyrique, serait devenue votre chanson.

Le culte de l’humanité fut le culte de Voltaire. Sur les ruines entassées autour de lui et par lui, sur les débris amoncelés de toute religion positive, Voltaire retrouvait parfois dans son cœur la religion, l’indestructible religion : il l’appelait Humanité. Le poète que je suppose aurait eu, comme Voltaire, le culte de l’humanité ; mais il n’aurait pas eu cet aveuglement contre le Christianisme, nécessaire sans doute au grand destructeur des formes idolàtriques du Christianisme ; et la sublimité morale de l’Évangile aurait parlé à son cœur comme elle parlait à celui de Rousseau.

Fils de Francklin, béni par Voltaire, il aurait marié l’Évangile à la philosophie.

Fils de Francklin, béni par Voltaire, il aurait chanté l’alliance de tous les peuples.

Fils de Francklin, béni par Voltaire, il aurait été le chantre inspiré de la révolution politique qu’amenèrent Voltaire et Francklin.

Fils de Francklin, il aurait été peuple comme lui ; il aurait compris que le tiers-état de Voltaire n’était pas tout le peuple nouveau.

Le temps ne s’arrête pas, et l’humanité ne s’immobilise pas. Ce poète aurait toujours regardé l’avenir. Fils de la philosophie, il aurait appelé de toute son âme de nou-