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sont que des noms et de vains simulacres que nous perdrons, pourvu que cette mémoire que nous avons de notre vie, sous sa forme actuelle, se trouve remplacée par une innéité et des conditions nouvelles d’existence, représentant exactement la valeur actuelle de notre vie, parce qu’elles auront été pesées dans la balance de celui qui est la justice et la mathématique mêmes, et qui a fait le monde, comme dit la bible, c’est-à-dire qui le fait continuellement, avec poids, nombre, et mesure, cum pondere, numero, et mensura. n’est-ce pas faiblesse et égoïsme, dans le mauvais sens, par conséquent impiété, que cet attachement des hommes à leurs manifestations et à la fragile mémoire qu’ils en conservent pendant cette vie ? N’est-ce pas une sorte d’avarice assez semblable à l’avarice véritable, qui empêche l’avare de vivre, par attachement insensé pour son trésor ? Ce trésor n’est pas lui ; il finit pourtant par y mettre et y enterrer son être. Ainsi, la plupart des hommes voudraient enterrer leur être dans la forme de cet être. Ils appellent cela ne pas oublier, et, colorant leur égoïsme des fausses couleurs du sentiment, ils veulent à toute force conserver leurs souvenirs après la mort. Vous ne voulez pas oublier, dites-vous : vous ne voulez donc pas changer ; car le changement apporte nécessairement l’oubli. Vous