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années ; examinez-les, et dites-moi si l’enfant a un moindre sentiment de son être, de son moi, que le vieillard. Cependant le vieillard a toute son existence antérieure, l’enfant n’a pas ou presque pas d’existence antérieure. D’où vient donc que l’enfant a conscience de lui-même autant que le vieillard ? La conscience que nous avons de nous-même, le sentiment d’être, le moi en un mot, et ce que l’on veut désigner, dans la question qui nous occupe, par ces mots de personnalité, d’individualité, et d’identité ; ce moi, pour être en apparence très-nouveau ou tout à fait nouveau et sans mémoire de vie antérieure dans l’enfant, n’en existe donc pas moins en lui, et tout aussi énergiquement que dans le vieillard. Ce dernier seulement a la faculté de se rappeler les longs souvenirs de ses années expirées ; l’enfant n’a rien de ce genre à se rappeler : mais il est, il s’affirme, il se sent, et se sait sentir, être, et penser, tout aussi bien que le vieillard. Qu’est-ce à dire, sinon que notre identité, notre personnalité, notre individualité, notre être, notre moi, n’est pas un produit de la mémoire, et n’a, dans son essence, aucun rapport avec la mémoire. Se rappeler est un phénomène accidentel de ce moi, comme sentir, voir, juger, etc. La mémoire, je le répète, a, comme la sensation, un objet toujours présent ; ce qui distingue uniquement la mémoire