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deux manières, subjectivement et objectivement, se montre manifestement dans toutes les passions énergiques et dans toutes les situations graves de notre âme, aussi bien que dans le langage que ces passions nous inspirent. Dans l’amour, dans l’amitié, dans tous les grands attachements, n’identifions-nous pas notre objet avec nous, et ne sentons-nous pas que l’être aimé est tellement lié à notre vie, qu’il est pour ainsi dire notre vie même ? Il est bien vrai que ces passions ont leurs cours, et que nous sortons, avec le temps, de ces situations où un seul être semble absorber notre vie tout entière. Mais nous n’en sortons qu’en restant dans une relation pareille, quoique moins intense, avec nos semblables en général, ou avec certains de nos semblables ; de sorte que ces passions et ces situations extrêmes dont je parle restent toujours type de notre existence. Or ce que nous sentons et proclamons nous-mêmes dans ces passions extrêmes, pourquoi ne le reconnaîtrions-nous pas de notre existence en général ? Et s’il est vrai que lorsque nous nous sentons vivre énergiquement, nous ne vivons qu’unis à un non-moi qui est la nature humaine, et pour ainsi dire notre propre moi hors de nous, pourquoi ne reconnaîtrions-nous pas que telle est en général et toujours notre destinée, c’est-à-dire que le moi ne vit réellement que parce qu’il est uni