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éternel qui est vous, continue à se manifester. Pour la créature, se manifester c’est changer. Donc la mort des formes accompagne la vie. Vivre, c’est mourir quant à la forme pour renaître quant à la forme. Mais la plupart des hommes font encore cette confusion, de prendre pour la vie même la manifestation de la vie. C’est la manifestation de la vie, la manifestation présente, qu’ils voudraient éterniser. C’est pourquoi ils voudraient ne jamais mourir. La mort venant mettre un terme aux manifestations actuelles de leur vie, sous la forme qu’ils se connaissent actuellement, voilà ce qui leur est odieux, et ce qu’ils voudraient détruire. Les plus grands hommes quelquefois ont donné dans cette erreur. Descartes n’a-t-il pas rêvé, avant Condorcet, une immortalité pour nos corps, conquise par la physique et la médecine ! Non, ce n’est pas ainsi que nous sommes immortels, et que nous nous saurons immortels. Nous sommes immortels, parce que la vie, en son essence, ne dépend ni du temps ni de l’espace, et ne tombe sous leur empire que dans ses manifestations ; donc ses manifestations seules sont périssables. Mais que sommes-nous en essence, et quelle est, par conséquent, l’essence qui de nouveau se manifestera, et dont les manifestations nouvelles composeront notre vie future ?