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Il est aisé de se rendre compte de l’imperfection de la charité du christianisme sur ces trois points. 1-vous ne voulez pas vous aimer vous-même. Mais pouvez-vous vivre et pourtant ne pas vivre ? Vainement vous repoussez la nature ; vainement vous condamnez, comme frappées d’un vice inné, radical, et incorrigible, les aspirations humaines de votre âme. Ne pas vous aimer, c’est ne pas aimer la vie, puisque la vie comprend nécessairement ce vous que vous ne voulez pas aimer ; et ne pas aimer la vie, c’est aimer la mort, c’est-à-dire le néant. 2-vous ne voulez avoir pour objet que Dieu, l’être infini. Mais l’être infini ne se manifeste pas à vous sans vous et sans autrui. Dieu, donc, ne se manifestant pas autrement, et ne vous apparaissant que dans un acte qui vous fait sentir en même temps votre propre existence et celle d’autrui, ne veut pas être aimé d’une autre façon, c’est-à-dire veut qu’en l’aimant vous ayez en même temps conscience de vous-même et d’autrui. Dieu ne demande pas à être mis hors de nous, et adoré à cette distance où le christianisme l’avait placé. Dieu veut vivre en nous, et n’a pas besoin de se placer hors de nous pour nous commander. N’est-il pas dans toutes les créatures, sans être ni aucune de ces créatures, ni toutes ces créatures ensemble ? Il intervient dans la vie, et ne se manifeste que là : conservez donc la vie, si vous voulez communiquer