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vaudrait la plus complète ignorance. Un homme qui, après avoir pris son repas, se mettrait de nouveau à table, risquerait fort de ne pas digérer la nourriture qu’il aurait d’abord prise. Celui qui changerait d’amis tous les jours ne connaîtrait pas l’amitié ; celui qui ne regarde pas le changement dans l’amour comme la destruction de l’amour ne connaît pas l’amour. Il est donc évident que les idées de mobilité perpétuelle qui font la base de plusieurs systèmes émis de nos jours sont radicalement absurdes, et que la destination de l’homme n’est pas d’étendre indéfiniment le cercle de ses sensations par la multiplicité, ni d’étendre indéfiniment de la même manière ses sentiments et ses connaissances. Vivre ce n’est pas seulement changer, c’est continuer. Notre vie participe à la fois du changement et du contraire du changement, ou de la persistance. Il nous est impossible réellement de continuer d’être sans changer ; la persistance absolue nous est impossible. Il nous est impossible également de changer sans persister, jusqu’à un certain point, d’être ce que nous étions ; le changement absolu nous est impossible. Changer en persistant ou se continuer en changeant, voilà donc ce qui constitue réellement la vie normale de l’homme, et par conséquent le progrès. le progrès a donc deux termes en apparence