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HANS DE SJÖHÖLM ET LE SORCIER FINNOIS (Suite)



Et après avoir repris quelque peu conscience, il reconnut l’endroit où il se trouvait. Il était couché contre les roches, tout près de son hangar à bateaux, chez lui. La mer s’était avancée tellement loin qu’une frange d’écume étincelait à la hauteur du champ de pommes de terre ; il pouvait à peine se tenir debout, si fort était le vent. Il s’assit sous le hangar et son esprit se mit au travail pour retrouver le dessin exact, parmi l’obscurité, du bateau de Draug[1] qui l’avait transporté : bientôt il succomba au sommeil.

Le lendemain matin, sa sœur vint avec un panier rempli de provisions. Elle ne lui souhaita pas le bonjour comme à un étranger, mais se conduisit comme si elle venait ainsi chaque matin. Pourtant lorsqu’il commença à lui raconter en détail tout son voyage au Finnmark, et à lui parler du sorcier Finnois et du bateau dans lequel il était rentré cette nuit même, il s’aperçut qu’elle se contentait de ricaner et le laissait aller. Tout le jour il parla de tout cela à sa sœur, à ses frères et à sa mère, mais il dut conclure qu’il semblait avoir perdu quelque peu la tête. Quand il fit mention du bateau, ils échangèrent un sourire et très évidemment s’abstinrent d’objections pour ne pas lui déplaire. Mais ils penseraient ce qu’ils voudraient ; s’il pouvait seulement réaliser ce qu’il avait en vue, s’il pouvait seulement être laissé à lui-même dans le vieux hangar où personne ne viendrait !

« Il faut aller avec le courant », se dit Hans, et s’ils me tiennent pour détraqué, je dois me conduire de telle sorte qu’ils ne se mettent pas dans mon chemin et qu’ils me laissent travailler à mon gré. »

Il emporta donc au hangar des peaux pour s’arranger une couche et y passa ses nuits ; pendant le jour il installait une perche sur le

  1. Démon particulier à la Norwège septentrionale ; ils parcourent les mers sur des demi bateaux.