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C’était le sorcier Finnois qui avait ouvert son sac et envoyait une tempête à leurs trousses.

« Il s’agit d’aller à pleines voiles, » dit une voix de derrière le mât. Celui qui avait la haute main sur le bateau semblait ne pas se soucier le moins du monde du temps, car il ne toucha pas aux voiles pour les diminuer.

Maintenant le sorcier en était à son second nœud magique[1]. Le bateau poursuivait sa course folle par le détroit ; la mer montait en blanches trombes d’écume jusqu’aux nuées.

Il fallait que le bateau fût aussi vite, plus vite même qu’un oiseau, sinon il était perdu.

Un rire hideux se fit entendre à bâbord.

« Le Finnois donne de la voix
Et nous pousse droit au sud ;
Il y a une fente dans le sac,
Il s’agit de veiller aux voiles ! »

Et donnant la bande, la voile diminuée d’un cran, le lourd compagnon de l’avant à califourchon sur le bordage avec ses immenses bottes de marin pendillant dans l’écume des vagues, ils couraient devant le vent par à travers de l’embrun aveuglant droit en la haute mer, au milieu des hurlements de la tempête.

Les murailles d’eau étaient si vastement lourdes que vraiment Hans ne parvenait plus à distinguer la lumière du jour, ni à se rendre compte s’ils passaient au-dessus ou au-dessous des lames.

Le bateau coupait celles-ci aussi légèrement et avec autant de facilité que si sa proue eût été une glissante nageoire de poisson et son bordage était lisse et fin comme la coquille d’un œuf d’hirondelle de mer ; mais quoi qu’il fît, Hans ne pouvait découvrir où il finissait ; il lui semblait ne voir qu’une moitié de bateau ou tout au moins on eût dit que tout l’avant disparaissant dans l’écume, ils naviguaient dans une partie d’embarcation.

La nuit tomba. Les vagues étaient phosphorescentes et brillaient comme des braises : le vent emportait la hideur de hurlements prolongés. Des appels de détresse, des cris de naufragés en agonie répondaient au vent de tous les bateaux sombrés qu’ils dépassaient dans leur course furibonde ; à leurs bancs s’accrochèrent désespérément bien des apparitions d’une fantomatique et terrible pâleur. La nocturne phosphorescence mettait une lueur blême sur ces

  1. En faisant un nœud les sorciers produisent un grain ; un second nœud produit une tempête.