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t-elle souri ? Hélas ! de l’espérance je ne verrai jamais plus le visage.

La Nature me donna en propre les battements de cœur et les douces illusions. Les chagrins ont endormi en moi la vertu innée ;

Mais ils ne l’anéantirent pas : elle ne fut vaincue ni par le destin, ni par le malheur, ni par la vue impure de l’odieuse vérité.

Je sais bien que la vérité diffère de mes charmantes imaginations : je sais que la nature est sourde, qu’elle ne sait pas avoir pitié,

Qu’elle ne fut pas inquiète du bien, mais seulement de l’être ; que, pourvu qu’elle nous garde pour la douleur, d’autre chose elle n’a souci.

Je sais que le malheureux ne trouve pas de pitié parmi les hommes, que tout mortel le fuit et le raille à l’envi ;

Que le triste siècle ignore le génie et la vertu ; que même la gloire toute nue manque aux nobles études.

Et vous, yeux tremblants, vous, rayon surhumain, je sais que vous resplendissez en vain, qu’en vous ne brille pas l’amour.

Aucun sentiment inconnu et intime ne brille en vous : elle ne renferme pas une étincelle, cette blanche poitrine.

Au contraire : elle a coutume de se jouer des tendres soins d’autrui ; et d’un céleste feu le dédain est le prix.