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SAINT-JUST

est à Saint-Just, la séance est dictatoriale, la révolution tient un lit de justice. Il apparaît aux heures décisives, au point précisément le plus menacé ; on l’envoie aux armées dont on désespère et il revient après Wissembourg, Landau, Charleroi, Fleurus. Il ne rencontre pas un échec, pas une défaite. Il n’a pas deux ans de vie publique, mais en revanche il détient le pouvoir le plus absolu, le plus passionné, le plus redoutable qu’aucun homme à son âge ait jamais conquis. Il en use avec un orgueil, des talents, une dureté exceptionnels. Il semble incarner toute la force et la destinée de notre révolution qui décline et s’achève quand il disparaît. Cette adaptation surprenante de l’homme à la fonction, quand cette fonction est la Terreur, est singulièrement intéressante dans la personne de Saint-Just.

Car il eut un mandat singulier, qu’il ne partage point avec d’autres, au moins dans l’initiative matérielle de l’action. Les grands justiciers de l’histoire sont les hommes d’un seul meurtre : Saint-Just n’a cessé du 13 novembre 92 au 9 thermidor an II, c’est-à-dire pendant dix-huit mois consécutifs, de demander des têtes. Tout le poids des grands jugements révolutionnaires et même, croit-on, des autres plus obscurs, a dû d’abord